TVA, taxe sur les salaires et aide à l'acquisition de carburants - Rescrit fiscal - 11/05/2022

Question :

Dans le cadre du plan de résilience économique et social mis en place à la suite de la hausse du prix des produits pétroliers résultant du contexte international, le Gouvernement a institué, par le décret n° 2022-423 du 25 mars 2022 relatif à l’aide exceptionnelle à l’acquisition de carburants, une aide exceptionnelle dont le montant est fixé à 0,15 €/L pour les gazoles et essences, à 15 €/MWh (PCS) pour les gaz naturels carburants et à 29,13 €/100 kg net pour les gaz de pétrole liquéfiés carburants.

Cette aide est versée pour le compte de l’État par l’Agence de service et de paiement aux personnes qui fournissent ces carburants pour une distribution en France débutant, au choix de l’opérateur, entre le 27 mars 2022 et le 1er avril 2022 et se terminant le 31 juillet 2022.

Quelles sont les règles applicables à cette aide en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de taxe sur les salaires (TS) ?

Réponse :

1. Règles applicables en matière de TVA

1.1. Métropole (y compris Corse)

Il résulte des dispositions combinées de l’article 256 du code général des impôts (CGI) et de l’article 256 A du CGI que sont soumises à la TVA les livraisons de biens effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.

Conformément au a du 1 de l’article 266 du CGI, une somme, quelle que soit sa qualification, doit être soumise à la TVA dès lors qu’elle peut s’analyser, soit comme la contrepartie d’une livraison de biens ou d’une prestation de services individualisée rendue au profit de la partie versante, soit comme le complément de prix d’une opération imposable au bénéfice d’une personne autre que la partie versante (subvention « de complément de prix ») (BOI-TVA-BASE-10-10-50).

Le caractère de complément de prix (I-A-1-b § 50 du BOI-TVA-BASE-10-10-50), par suite taxable à la TVA, d’une subvention ne peut être établi que si l’examen détaillé de ses modalités de versement et des circonstances qui sont à l’origine de son versement fait apparaître de manière non équivoque une relation entre la décision de la partie versante d’octroyer la subvention et la diminution des prix pratiqués par le bénéficiaire vis-à-vis de sa clientèle (CJUE, décision du 22 novembre 2001, affaire C-184/00, Office des produits wallons ASBL : le prix du service doit être déterminé, quant à son principe, au plus tard au moment où intervient le fait générateur et déterminable, et il doit être fixé de telle façon qu’il diminue à proportion de la subvention accordée).

En revanche, les subventions dont le versement ne présente pas un lien direct et immédiat avec le prix d’une livraison de biens ou d’une prestation de services ne doivent pas être soumises à la TVA, même si elles participent indirectement à la formation du prix. Ainsi, le seul fait qu’une subvention ait une influence sur le prix des biens livrés ou des services fournis par l’organisme subventionné ne suffit pas à rendre cette subvention imposable (I-B § 180 à 200 du BOI-TVA-BASE-10-10-50).

De même, le fait qu’une subvention soit proportionnelle aux volumes de ventes ou à la valeur des ventes est, à lui seul, insuffisant.

Au cas particulier, d’une part, l’assujetti auquel l’aide est versée (l’opérateur effectuant la mise à la consommation) n’effectue aucune opération imposable au profit de la partie versante (l’État). D’autre part, l’octroi de l’aide n’étant pas subordonné aux niveaux de prix des opérations pratiquées par son bénéficiaire, celle-ci n’entretient pas un lien direct et immédiat avec ces opérations au sens des principes rappelés précédemment. La circonstance que, compte tenu de la situation concurrentielle et des engagements souscrits par ailleurs par les associations professionnelles et certains bénéficiaires (« Charte d’engagement » de bonnes pratiques associant l’État et les professionnels du secteur, signée le 25 mars 2022), le dispositif d’aide aura une incidence sur le niveau des prix de vente pratiqués par les intermédiaires et détaillants jusqu’au stade du consommateur final n’est pas de nature à remettre en cause ce constat ; notamment, elle ne conduit pas à considérer que, pour les besoins de la TVA, le versement de l’aide serait, pour chaque opération réalisée par chaque bénéficiaire, juridiquement subordonné à une répercussion dans les prix pratiqués.

Par suite, cette aide ne constitue pas une subvention venant compléter le prix des opérations imposables de son bénéficiaire. Aussi, elle n’est pas soumise à la TVA pour les carburants livrés en métropole.

Les livraisons de carburant effectuées par le bénéficiaire de l’aide, ainsi que par les grossistes ou distributeurs intervenant en aval du circuit économique, sont soumises à la TVA dans les conditions de droit commun, l’assiette de la taxe étant dès lors constituée par le seul prix reçu ou à recevoir du destinataire de la livraison.

1.2. Collectivités régies par l’article 73 de la Constitution

La TVA ne s’appliquant pas en Guyane et dans le département de Mayotte (CGI, art. 294, 1), la question du régime applicable en matière de TVA à l’aide versée en relation avec du carburant distribué dans ces départements est sans objet.

En outre, certaines opérations relatives aux produits énergétiques (dont les livraisons de carburant) sont exonérées de TVA, sans bénéfice du droit à déduction, en Guadeloupe, en Martinique ou à La Réunion (CGI, art. 295, 1-6°). Dans ces territoires, les prix sont réglementés en application de l’article L. 410-2 du code de commerce. À cet égard, la circonstance que, préalablement ou postérieurement au versement de l’aide, l’État abaisse ou non le niveau des prix réglementés dans ces territoires, n’a pas pour effet de modifier l’analyse qui précède, et ce, indépendamment des buts ou motivations de cette baisse. Dès lors, s’agissant des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion, cette aide, non soumise à la TVA, n’est également pas constitutive d’un complément de prix d’opérations de livraison de carburant exonérées.

1.3. Conséquence sur les règles de facturation

Les règles de facturation sont harmonisées au niveau européen concernant les opérations entre personnes assujetties à la TVA ainsi que les opérations des assujettis à destination des personnes morales non assujetties (directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, art. 220, point 1). En revanche, les documents délivrés à l’occasion d’autres opérations, notamment les livraisons de carburants à des personnes non assujetties à la TVA, ne sont soumis à aucune règle au titre de la TVA, quelle que soit la dénomination retenue par le droit national ou les parties pour ces derniers (notes, factures, etc.).

Le placement hors du champ de la TVA de l’aide a pour conséquence que cette dernière ne peut pas figurer sur la facture en tant qu’un élément du prix de vente acquitté par l’État en lieu et place des acquéreurs. En revanche, les règles fiscales ne s’opposent pas à ce que la facture établie par le bénéficiaire de l’aide à l’occasion de la vente du carburant comporte certains éléments, comme le prévoit le décret n° 2022-423 du 25 mars 2022, notamment :

– une mention à titre informatif de l’existence d’une aide de l’État incorporée dans le prix de vente et de son montant comme élément constitutif du prix contractuellement décidé par le bénéficiaire et ses cocontractants ;

– une réduction commerciale d’un montant qui soit égal ou supérieur à celui de l’aide versée et qui soit motivée par cette dernière, en particulier afin d’honorer les engagements de la charte signée le 25 mars 2022 (voir, à titre d’illustration, l’exemple ci-dessous).

Le bénéficiaire peut également distinguer la part correspondant à l’aide dont il a bénéficié et les efforts additionnels qu’il a consentis.

Il en est de même des factures établies par les grossistes et distributeurs en aval de la chaîne de commercialisation du carburant pour les livraisons de carburant qu’ils effectuent. Les règles de la TVA ne s’opposent pas à ce que ces personnes choisissent d’identifier sur leurs factures les réductions dont ils ont bénéficié de la part de leur fournisseur ainsi que tout effort additionnel consenti.

Exemple : Illustration d’un schéma de facturation d’une livraison de carburant avec application d’une réduction commerciale de prix

Désignation

Prix unitaire HT

Quantité (litres)

Montant

Gazole

1,80 €

125 000

225 000 €

 

Remise carburant (- 0,15 €/L)

– 18 750 €
   

Total Prix HT

206 250 €

   

TVA (20 %)

41 250 €

   

À payer (TTC)

247 500 €

2. Règles applicables en matière de TS

L’aide instituée par le décret n° 2022-423 du 25 mars 2022 présentant les caractéristiques d’une subvention exceptionnelle, elle ne devra pas être prise en compte pour le calcul du rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires de l’entreprise à laquelle elle sera versée (I-C-2 § 160 et suivants du BOI-TPS-TS-20-30). Elle ne pourra donc pas induire un changement de la situation du bénéficiaire au regard de cet impôt.